Le blog du CTD, par Bertrand Damien


Chers CTDistes, chers amis, bienvenue sur le blog du CTD. Humeurs, billets d'actualité, coups de coeurs et de bourre, ou simplement plaisantes conneries du 1 au 10ème degré.

Nom : Bertrand
Lieu : France

Musicien, compositeur, auteur, et Producteur de musique (label ESP Music). J'ai travaillé 20 ans dans l'industrie des télécommunications, et j'étais encore récemment Directeur d'un département de conseil en stratégie pour les opérateurs. Maintenant, musique...

11.3.06

Donnedieu, donne-moi 100 balles

Le très contesté projet de loi DADVSI est de retour, dans une version un peu moins liberticide et répressive. A l'origine, ce n'était qu'un reflet à peine maquillé des intérêts du seul lobby industriel de la musique et du cinéma. Avec à la clef une véritable pénalisation des internautes utilisant le P2P et qualifiés de "contrefacteurs", avec peines de prison jusqu'à 3 ans, et jusqu'à 300000 euros d'amende. Du pur délire.

L'exemple des Etats-Unis, où une loi similaire a été votée dès 1998, incite à la modestie. L'industrie du disque y a déposé plus de 10 000 plaintes contre des internautes. En décembre, la société spécialisée Big Champagne recensait près de 7 millions d'utilisateurs connectés à chaque instant sur des services de P2P.

En d'autres termes, la répression est totalement inutile. La vérité c'est que l'industrie de la culture est arque-boutée sur ses modèles de revenus devenus obsolètes et que le monde de l'information évolue 100 fois plus vite que leurs têtes d'oeufs.

Pour autant, la solution alternative de "licence globale" est une mauvaise réponse, de mon point de vue à la fois de musicien auteur compositeur, et de consommateur de musique et de films. La Licence globale, c'est le même principe que la taxe française sur les CD vierges : on taxe tout le monde, même si vous ne copiez pas de musique. Le prétexte de la redistribution aux artistes est une fumisterie. Tout comme le fonctionnement actuel, opaque et limite mafieux de la Sacem, cela revient en fin de compte à financer Johnny Haliday et Universal Music. Pas les petits. C'est mécanique.

Toutes ces tentatives de s'accrocher à la barque de l'internet full speed sont aussi vaines que d'essayer de poursuivre un hors-bord avec un bateau à rame. Le monde de la culture doit se réinventer, parce que de toute façon, quelles que soient les lois rétrogrades votées, le monde se fera sans eux. Ce qui se passe, c'est des groupes d'adolescents non signés par des maisons de disques, comme Artic Monkeys, qui se font une renommée mondiale en mettant leurs morceaux en distribution libre sur internet, et puis qui vendent 1 million d'albums en 1 mois. Je connais encore d'autres d'exemples aux US, notamment sur le seul site communautaire myspace.com.

Le P2P ne tue pas la musique. Internet est un formidable vecteur de communication pour des créateurs qui ont surtout besoin de créer de la notoriété. Ce qui tue la musique, c'est une industrie phonographique qui n'assume plus une seule seconde sa vocation de promotion de nouveaux talents, et qui pour le reste cherche à faire des procès aux consommateurs. Une industrie qui vit sa relation avec ses clients sous le mode de la répression est une industrie qui se marche sur la tête.

Il faut oublier les vieux schémas et les dinosaures obsolètes façon Sacem. Il faut résolument se projeter dans le présent, et se montrer créatif. Le monde reste à inventer. Cela implique aussi une profonde remise en cause des artistes aux-mêmes : je connais nombre d'entre eux qui s'arqueboutent sur leur seul "objet artistique" et refusent de s'intéresser directement aux problématiques du commerce. Quand certains d'entre eux signent avec un label, ils s'imaginent que tout va se faire tout seul et qu'ils ne doivent pas se se soucier de ces questions ingrates et "non nobles" de basse politique commerciale. Tant pis pour eux : s'il y a bien désintermédiation et disparition des intermédiaires traditionnels de la chaîne de valeur, et qu'ils peuvent toucher directement 40 et quelques cents sur 0,99 euros de musique en ligne, au lieu de quelques pouillèmes de cents dans le monde du CD traditionnel, c'est qu'ils doivent assumer eux-mêmes leur petite entreprise.

N'importe comment, la Loi est votée maintenant, elle fait patchwork qui essaye de contenter tout le monde. Au moins est-elle moins exclusivement répressive que dans sa première version délirante. De toutes les manières, aucune loi nationale ne résistera longtemps au monde qui change, partout dans le monde. Tout le monde doit s'adapter. L'industrie phonographique, les producteurs, les studios, et bien sûr les artistes, qui pour la plupart sont malheureusement assez autistes.

BC