Le blog du CTD, par Bertrand Damien


Chers CTDistes, chers amis, bienvenue sur le blog du CTD. Humeurs, billets d'actualité, coups de coeurs et de bourre, ou simplement plaisantes conneries du 1 au 10ème degré.

Nom : Bertrand
Lieu : France

Musicien, compositeur, auteur, et Producteur de musique (label ESP Music). J'ai travaillé 20 ans dans l'industrie des télécommunications, et j'étais encore récemment Directeur d'un département de conseil en stratégie pour les opérateurs. Maintenant, musique...

4.1.06

La question de l'Homme d'Etat

Racaille : n.f. Populace méprisable. Ant. : élite, gratin ( Dict. Robert )

Il y a sans aucun doute des voyous, et même des vrais criminels dans les banlieues. Je note cependant que Sarkozy ne nous parle jamais des grands voyous et crimininels en col blanc, ni de la corruption, individus, groupes de pression et lobbys limite mafieux qui font beaucoup plus de mal à la société que les petites frappes de banlieues. Il y a toujours deux poids deux mesures dans nos sociétés, selon que vous êtes riche et bien portant, ou pauvre et mal-famé.

Il faut toujours faire très attention avec les mots, surtout quand on aspire aux plus hautes fonctions de l'Etat. Un homme d'Etat n'est pas quelqu'un qui s'adresse à la nation en flattant les colères exacerbées. Dire tout haut ce que soit disant les Français
pensent tout bas n'est précisémment pas ce qui fait les grands hommes d'Etat. C'est une vieille question en philosophie politique : comment gérer le grand écart entre une certaine proximité nécessaire avec les gens et la distance requise pour prendre les vraies décisions structurantes et efficaces, celles qui dépassent forcément les apparences trompeuses de l'instant et de l'émotion ?
Un récent sondage plébicite les deux hommes d'Etat français qui ont le mieux géré cet apparent grand écart : De Gaule et Mitterand.
Le prix à payer ? Ne pas céder aux sirènes de la popularité immédiate, quitte à devoir masquer dans une certaine mesure son action profonde. C'est au regard de l'histoire, sur la durée, que se juge l'action politique. Bien sûr, il faut rendre des comptes au peuple, et pour cela, il faut que les échéances démocratiques ne soient pas trop espacées. La vieille question du tyran éclairé. Pas de solution idéale entre l'expression des aspirations et besoins du pays, et la solitude du pouvoir, avec ses dangers de corruption mentale et d'aveuglement à la réalité quotidienne des gens.

Un homme d'Etat est confronté à l'extrême complexité du monde, il se doit d'aller au-delà des apparences. Son rôle est de prendre les meilleures décisions possibles pour le bien de tous, au-delà de l'immédiateté des événements, et cela exige de la distance avec les choses. Certes, il faut réagir immédiatement aux situations d'urgence, mais ces situations d'urgences se répéteront sans cesse si l'on ne traite pas la question sur le long terme.

C'est une affaire d'homme en fin de compte, contrôlé par les processus institutionnels et démocratiques. Alors, comment savoir quel est l'homme (ou la femme) qui saura le mieux gérer cette difficulté ? Difficile à dire à l'avance... Mais il y a des indicateurs. Parmi ces indicateurs, la sincérité et la constance dans les convictions. Précisément ce qui m'a toujours rendu Chirac totalement suspect. Le récent sondage sur les Présidents français de la cinquième République montre d'ailleurs que les français ont eu suffisament d'années de distance pour juger l'action réelle de cette girouette clientéliste. Le bilan est consternant. De ses deux législatures successives, il ne reste que sa posture contre la guerre d'Irak. Tout le reste n'est que vacuité, déceptions, magouilles, clientélisme.

Et Sarkozy alors ? A-t-il le profil ?
Pour moi, c'est clair. Sarkozy ne nous montre pas qu'il est un homme d'Etat en puissance. Ce qu'il nous montre, c'est d'abord qu'il est prêt à tout pour devenir Président, en faisant usage d'une extrême démagogie populiste, en flattant toutes les cibles possibles susceptibles de ramener des votes, quitte à dire tout et son contraire à quelques mois de distance (dernier exemple en date, sa position sur le vote des immigrés).
Son action politique ? Répression, répression, événement, action à court terme, petites et grandes phrases médiatiques. Absolument rien de constructif et structurant sur le long terme (au contraire, il a chatié publiquement ces policiers de proximité Toulousains qui avaient patiemment construit pendant dix ans une relation pacifiée et productive avec les quartiers difficiles).
Ses positions ? Une permanente girouette, une course à l'échalotte, et la chasse aux votes par tous les moyens, sur toutes les terres. Particulièrement à l'extrême droite en ce moment.
Son programme économique ? Inconnu. Tout ce que l'on sait de lui, c'est qu'il est profondément libéral et fasciné par les USA.

Ce qu'il nous montre aussi, au-delà de son implacable logique de marketing politique et de son extraordinaire cynisme, c'est que sa vraie nature affleure très très près sous son image politique fabriquée de toute pièce. En particulier sa propension à ne jamais reconnaitre ses erreurs, et sa vindicte implaccable à l'encontre des contradicteurs. Cela se manifeste notamment par de multiples pressions et interventions sous la table pour stopper ici une publication, un livre, là une phrase désagréable dans une interview (dernier exemple en date : la censure en décembre d'une interview de Yannick Noah à Paris Match), etc. Il y a quelque chose du terrorisme intellectuel dans sa démarche, qui n'est pas acceptable dans notre démocratie moderne.

Toutes choses qui me font penser que ce type est fondamentalement dangereux. J'ose le dire, même si ça fera hurler certains d'entre vous : il y a du fascisme latent chez Sarko. Attention, danger.

Et pour illustrer ça avec un humour corrosif, cette petite vidéo des Guignols :
Guignols_051212.wmv